La loi ZAN limite fortement l'artificialisation des sols en France. D'ici 2030, 113 000 hectares manqueront pour répondre aux besoins passés, impactant particulièrement le Grand-Ouest, le bassin toulousain et le couloir rhodanien. Les zones périphériques, potentiels relais, pourraient aussi manquer de surfaces. La réindustrialisation pose question avec 22 000 hectares nécessaires et l'espace requis pour son écosystème (logements, infrastructures...).
lire l'articleLe manque théorique d’hectares à artificialiser au cours de la période 2021-2030, au vu des besoins passés d’artificialisation des territoires, s’élèverait ainsi à un niveau de 113 000 hectares1. Si le texte de loi ZAN n’a pas vocation à s’appliquer à l’échelle des bassins d’emploi (correspondant à une segmentation géographique effectuée par l’Insee et regroupant plusieurs communes) la carte ci-dessous permet de représenter à une échelle relativement fine les secteurs dans lesquels le nouveau texte de loi briderait le plus les besoins immobiliers. 20 bassins, soit seulement 7 % du nombre total de territoires, concentreraient plus spécifiquement 25 % du nombre d’hectares manquants. Un manque qui concernerait en premier lieu le Grand-Ouest français, le bassin toulousain, et le couloir rhodanien.
Le manque de surfaces artificialisables dans des territoires plus périphériques ne s’en avérerait pour autant pas moins problématique. Cela dans la mesure où ces derniers auraient notamment pu faire office de zones de report par rapport à des métropoles régionales où la tension immobilière s’avère croissante. Par ailleurs, alors que 22 000 hectares devraient plus spécifiquement être nécessaires pour permettre la réindustrialisation du pays (rapport du Préfet Rollon Mouchel Blaisot, juillet 2023), et même si une enveloppe devrait être dédiée à ses grands projets, se pose la question – notamment dans les Hauts-de-France, à l’heure de la mise en place des gigafactories de batteries – de la surface nécessaire pour accueillir l’ensemble de l’écosystème lié à ces dernières (logements, établissements scolaires, de santé, commerces, infrastructures de transport…).
Enfin, 6 territoires, localisés pour la majorité d’entre eux en Grand-Est, à l’instar de Verdun et Bar-le-Duc, mais également en Hauts-de-France et en Corse, disposent paradoxalement d’un solde d’artificialisation positif par rapport à leurs besoins théoriques. Ces territoires n’ayant connu qu’un faible niveau d’artificialisation entre 2011 et 2020, et bénéficiant de la mise en place de la garantie rurale.
Plus spécifiquement pour les entreprises, il est intéressant de noter que la rareté du foncier économique est d’ores et déjà établie en France, alors même que la loi ZAN vient à peine d’être promulguée : 67 % des intercommunalités déclarent avoir refusé des projets d’implantation économique ou subi des déménagements d’entreprises par manque de foncier économique2. A notre sens, il s’agit d’une menace importante pour la souveraineté industrielle du pays à l’heure où le sujet de la réindustrialisation occupe une place centrale dans le débat public.
1: 113 000 hectares correspondent approximativement à la superficie du département du Val d’Oise (124 600 ha), soit 2,0 % de la superficie de la France métropolitaine
2 : D’après Olivier Lluansi, enseignant à l’Ecole des Mines, dans la tribune « La rareté du foncier économique concerne désormais toutes les régions » du 24 novembre 2023
dans Le Monde, reprenant les résultats d’une enquête réalisée au printemps 2022 par Intercommunalités de France, le Cerema et la Délégation Territoires d’industrie
87% des français sont favorables à la mise en place d’un objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols à l’horizon 20501
9 français sur 10 souhaiteraient habiter dans une maison individuelle2
“Avoir un jardin” 1er élément cité parmi les critères qui font qu’un logement est agréable à vivre, devant « une bonne isolation » et « un environnement agréable »2
54% des français souhaitent des villes moins denses et plus d’étalement urbain, contre 40 % qui souhaitent des villes plus denses3
1 : D’après @Ifop pour les Intercommunalités de France – « L’acceptabilité sociale des transitions » – septembre 2023
2 : D’après @Ipsos – Fondation Jean Jaurès / CFDT – « La société idéale de demain aux yeux des français » - avril 2023
3 : D’après Opinionway pour l’Union Nationale des Aménageurs & Fédération des SCOT– « Les français, les maires et l’objectif Zéro Artificialisation nette » – janvier 2021
Ce qu’il faut retenir
On note une contradiction évidente entre les aspirations profondes des français quant à leur idéal de logement et d’environnement urbain, et la mise en œuvre de l’objectif ZAN.
Ainsi, une écrasante majorité des français (9 sur 10) souhaiterait vivre en maison individuelle, si possible avec un jardin, et adhèrerait fortement à l’objectif de Zéro artificialisation nette des sols, pour des raisons écologiques évidentes (préserver les espaces naturels ou agricoles), mais également, pour la préservation de leur environnement proche. Selon les différentes enquêtes d’opinion, les français rejetteraient majoritairement la densité urbaine.
Si pour l’heure, les français ne semblent pas avoir identifié l’objectif ZAN comme une menace pour logements, renchérissement des prix de l’immobilier, etc.
Source : Baromètre Arthur Loyd, d’après données Arthur Loyd et Yanport
L’une des conséquences de la mise en application de l’objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols consisterait plus spécifiquement dans l’augmentation sensible du coût de l’immobilier, cela qu’il soit résidentiel ou professionnel. A titre d’exemple, les 20 bassins dans lesquels le manque à artificialiser serait plus particulièrement élevé au cours de la décennie 2021-2030 ont ainsi d’ores et déjà été concernés, durant les dernières années, par des hausses de valeurs locatives, ou d’acquisition des biens immobiliers. Une hausse qui ne concerne pas seulement les métropoles les plus importantes de l’Hexagone, mais également des territoires plus «périphériques» (tels que Pau, Perpignan, Auch, ou le Mans). Une hausse qui devrait se poursuivre – au-delà du ralentissement économique actuel ou des effets conjoncturels de la remontée des taux d’emprunt – à moyen terme, du fait de la mise en application de l’objectif ZAN.
Ainsi ce dernier représente-t-il une problématique durable pour les politiques sociétales, alors que le logement représente d’ores et déjà le premier poste de dépenses des ménages1. Cela dans la mesure où la tension sur ce type de bien immobilier est forte (selon le Laboratoire Research in Real Estate de l’ESPI, ce sont ainsi pas moins de 400 000 logements qu’il faudrait construire chaque année en France entre 2021 et 2030 pour répondre aux besoins des ménages. Or, à peine 290 000 mises en chantier de logements devraient être comptabilisées en 2023, et probablement 250 000 en 20242), et que certains élus locaux se disent d’ores et déjà contraints par le ZAN et réticents à accorder des permis de construire3. Dans ce contexte, répondre à la demande de logements des 2 à 6 millions de ménages supplémentaires en France d’ici 20504, selon les scénarios, risque de relever du fantasme.
Problématique de développement économique également, les entreprises devant, du fait du renchérissement attendu des prix des terrains avec le ZAN, allouer une plus grande partie de leurs ressources financières aux dépenses liées à location ou l’acquisition de leur outil immobilier, qu’il s’agisse de locaux tertiaires, industriels ou logistiques5. Et ce alors que l’immobilier représente souvent le deuxième poste de charges des entreprises après la masse salariale6, et même le premier actif au bilan pour les entreprises propriétaires de leur immobilier7. Problématique d’équité territoriale enfin, dans la mesure où il donne la part belle aux métropoles déjà fortement urbanisées, ou encore aux territoires ayant consommé un nombre élevé de surfaces naturelles entre 2011 et 2020.
Certes, des solutions alternatives peuvent être identifiées pour réduire les besoins en artificialisation. La nécessaire reconversion de friches industrielles, le déplafonnement de la hauteur du bâti dans des PLU, la transformation de bureaux obsolètes en logements ou encore la densification et transformation de zones commerciales périurbaines (Plan « entrées de ville »8) devraient ainsi permettre d’atténuer légèrement les tensions liées au ZAN. De telles opérations, très complexes9 – impliquant par exemple dans le cadre des friches un nécessaire investissement dans la dépollution des sites de même que la dépollution du bâti – n’étant toutefois pas sans coût, un surcoût qui devrait se répercuter sur le prix de location ou de vente des nouveaux bâtiments développés.
* : EPCI pour Établissements publics de coopération intercommunale : Communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles loi MAPTAM,…
1 : Voir « Portrait social et dépenses du logement en France » 2017, INSEE
2 : D’après Robin Rivaton, essayiste spécialiste en immobilier et CEO de Stonal, dans l’émission « Les Experts » du 2 janvier 2024, BFM Business
3 : D’après Norbert Fanchon, Président du Directoire Groupe Gambetta, 30 décembre 2023 – Linkedin
4: Voir « De 2 à 6 millions de ménages supplémentaires en France entre 2018 et 2050 », 9 janvier 2024 – Insee
5 : Le foncier (terrain constructible) représente entre 15% et 35% du prix de revient d’une opération de développement selon la typologie de bâtiment et sa localisation ; toute hausse de son coût est inévitablement répercutée sur le prix de sortie, in fine payé par l’entreprise utilisatrice des locaux professionnels – Janvier 2024, Entretiens de l’auteur avec les professionnels du secteur
6 : D’après « L’immobilier d’entreprise devient-il un levier financier ? », 14 février 2022 – DAF Magazine
7 : D’après « Quand l’immobilier d’entreprise devient stratégique », par Ingrid Nappi,
décembre 2013 – Journal de l’Ecole de Paris 8 : Voir conférence de presse « Un nouvel horizon pour les zones commerciales », le 11 septembre 2023 – Le Gouvernement (présenté à Bercy)
9 : D’après « Zones commerciales : l’Etat met en route son programme de transformation des entrées de ville », reprenant les propos d’un Préfet lors d’un récent colloque : ce sujet est un « Himalaya de complexité », 12 septembre 2023 – Le Monde
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