Face aux contraintes de la réglementation ZAN (zéro artificialisation nette) imposée à l'horizon 2050, l'immobilier logistique français se doit de prendre en considération l'alternative foncière proposée par la friche industrielle. Une solution largement mise en avant au niveau politique qui comporte néanmoins nombre de défis à relever et de paramètres à intégrer.
lire l'articleSelon l'institut d'études privé Xerfi, la part des entrepôts dans l'immobilier d'entreprise était de 23,7 % en 2022 et de 10, 7 % dans l'ensemble des constructions neuves. Un pourcentage ayant triplé ces deux dernières décennies « sous l’effet de l'essor des activités logistiques, de l'optimisation des schémas logistiques, de l’explosion du e-commerce et de l'augmentation de la taille moyenne des entrepôts », indique le cabinet. Cette croissance conduit nécessairement à l'extension des surfaces occupées par cette filière qui se retrouve alors soumise à certains obstacles dans sa quête de foncier disponible. La logistique se trouve en effet directement impactée par la loi Climat et Résilience, promulguée en août 2021, qui entend diviser par deux la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2031, avant d'atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050. Et, « même si les fonctions logistiques contribuent à hauteur de 0,94 % à l’artificialisation des sols en France, la filière veut apporter sa ''part du colibri'' dans la frugalité foncière », indiquait en septembre 2022 l'Afilog sur son magazine en ligne Plateformes. Dans ce cadre, la solution politique la plus mise en avant consiste à réinvestir d'anciennes friches industrielles. La logistique s'y est déjà penchée et plusieurs exemples notables ont vu le jour : dans le Nord, le projet e-Valley installé sur l'ancienne base aérienne de Cambrai (59) et ses 550 000 m² de plateformes logistiques ; dans le Sud, les entrepôts de Decathlon et d'Action installés à Ensuès-la-Redonne (13) sur un site délaissé. Des exemples parmi bien d'autres qui ne dissimulent pour autant pas les défis à relever dans le cadre de ces projets de réhabilitation.
Le sujet comporte en effet différents obstacles à franchir avant de voir un projet aboutir. La question du nombre d'abord : alors que près de 11 000 sites en friches ont été répertoriés et caractérisés par le dispositif Cartofriches élaboré par le Cerema à la demande du ministère de la Transition écologique, une cinquantaine d'entre elles sont réellement utilisables en logistique : « Les sites anciens ne sont pas forcément ceux qui sont les plus recherchés selon les critères actuels d'implantation qui requièrent un bassin important d'emplois, des axes de circulation à proximité, et un accès aux réseaux de communication (fibre, puissance électrique...) ce qui n'est pas toujours garanti », observe Laurent Lamatière, consultant associé chez ALL. Dans ce contexte de réhabilitation de sites, l'équilibre économique est également difficile à trouver, les projets nécessitant bien souvent des investissements liés à la démolition des bâtiments existants : « Bien qu'en France, le principe ''pollueur-payeur'' s'applique, il peut arriver que, sur des friches industrielles, le propriétaire n'existe plus et que le terrain ait été récupéré par la collectivité, impliquant des frais de dépollution à la charge de l'acquéreur... », poursuit Philippe Frèrejean, expert supply-chain associé en immobilier logistique chez ALL. Autre obstacle potentiel, la possibilité de voir des associations écologiques faire barrage contre l'édification d'un nouvel entrepôt, en déposant des recours : « Un phénomène de plus en plus récurrent ces dix dernières années, qui constitue un risque réel et avéré dans le déploiement d'une nouvelle construction », constate Laurent Lamatière. Cette dimension environnementale se retrouve également dès l'amorce du projet sous l'angle de la biodiversité présente sur le site : « Bien souvent, lorsque les friches sont inexploitées depuis plusieurs années, la nature a repris ses droits incluant des espèces protégées avec une obligation légale de compensation pour pouvoir construire, ce qui implique encore des délais supplémentaires.. », poursuit-il.
Face à ces contraintes techniques et temporelles, la friche industrielle n'apparaît donc pas comme l'unique solution, amenant les professionnels à lorgner également du côté des friches commerciales, tertiaires, voire même logistiques. Exemple notable dans ce domaine, avec le parc de Segro à Saint-Quentin-Fallavier où trois bâtiments logistiques ont été construits pour une surface de 85 000 m² sur l'ancienne base logistique de l’enseigne Leclerc. « Il existe néanmoins très peu de friches logistiques car l'immobilier dans ce domaine s'est surtout développé à la fin d'année 90 et on ne rase pas aujourd'hui des plateformes seulement vieilles de 30 ans. Il existe en revanche certains bâtiments dédiés au transport datant des années 70 qui peuvent être réhabilités. Ils possèdent l'avantage d'être moins pollués mais sont très peu nombreux », observe Laurent Lamatière. Quant aux friches commerciales, malgré leur potentiel, leur écueil réside dans leur positionnement, bien souvent en entrée de ville à proximité de logements, rendant parfois impossible l'installation d'un entrepôt dans le PLU (plan local d'urbanisme).
Au final, l'équation complexe dans laquelle évolue l'immobilier logistique français, contraint par la réglementation du ZAN, est également à observer à l'aune de la politique de réindustrialisation de la France. Or, cette réindustrialisation englobe nécessairement avec elle la filière logistique : « On peut considérer que si les friches sont utilisées par des industriels, potentiellement, ils vont avoir besoin de logistique pour fonctionner. Il ne peut y avoir d'industrie sans logistique», juge Philippe Frèrejean. La volonté étatique de dégager des terrains pour l'industrie s'est récemment traduite, en avril 2024, avec la publication par le gouvernement d'une liste de 424 projets industriels d’envergure nationale ou européenne (PENE) présentant un intérêt général majeur et qui pourraient à ce titre, bénéficier d'un droit à artificialiser. Cet assouplissement du dispositif ZAN pourra-t-il profiter à la logistique ?
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