L'immobilier logistique, miroir des tendances économiques

Marqués par une période d'inflation majeure, les Français ont inévitablement répercuté leur baisse de pouvoir d'achat au niveau de leur consommation. Habillement, équipement de la maison, grande distribution : les secteurs d'activité en souffrance se sont reflétés sur les tendances à la baisse en matière d'immobilier logistique.

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Avec une demande placée en baisse de 9 % en 2023 par rapport à 2022 dans le domaine de l'immobilier logistique, la France a connu une année à l'image des crises qui la traversent. À ce titre, le secteur se révèle un bon indicateur de la santé économique du pays, donnant à voir les filières économiques les plus à la peine. « Avec l'inflation, la consommation a considérablement baissé et cela a eu un impact chez les grands distributeurs, dont les volumes ont diminué, ce qui a inévitablement abouti à une diminution de prise à bail de bâtiments logistiques », détaille Didier Terrier, directeur générale d'Arthur Loyd Logistique. Habillement, bricolage, jardinage... plusieurs secteurs d'activité affichent en effet des ventes en recul en 2023. Un retrait lié aux taux d'inflation (établis à +4,9 % en 2023 selon l'Insee) ayant conduit les consommateurs hexagonaux à réaliser des arbitrages et à rogner sur leur budget : selon une enquête Ifop, 58 % des Français ont ainsi indiqué avoir réduit leurs dépenses alimentaires en 2023. Cette situation impacte directement l’immobilier logistique, tant au niveau de la demande en cours, que sur la libération de bâtiments : « Macro-économiquement parlant, la logistique est liée à la consommation puisqu'en France, contrairement à l'Allemagne ou à d'autres territoires, on évolue culturellement au sein d'une économie de consommation », observe Gaël Faye, consultant Hauts-de-France et Grand-Est chez Arthur Loyd Logistique.

 

L'immobilier logistique pâtit des secteurs en souffrance

Si, dans cette période de ralentissement économique, les consommateurs privilégient les besoins primaires au détriment du non-alimentaire, le secteur de la grande distribution n'est pour autant pas épargné. Avec un niveau d'inflation de +12,8 % des produits alimentaires (Source : Circana) en 2023, les achats en volume des Français ont reculé de -3,2 %, selon une étude Kantar. « Dans le secteur de la grande distribution alimentaire, la tendance est plutôt à la baisse en matière de prise de surface. On estime ainsi que Casino, [qui a annoncé en juin 2023 céder 119 magasins à Intermarché], est en mesure de libérer cinq à six entrepôts », indique Laurent Lamatière, consultant associé chez Arthur Loyd Logistique.

Concernant le marché de l'habillement, il a de son côté perdu 3,5 % de sa valeur entre 2022 et 2023, selon les chiffres publiés par le panel Retail Int. pour l’Alliance du Commerce, qui détaille : « Au global, le marché ne retrouve pas son niveau d’avant la crise sanitaire et enregistre une perte de 9 % depuis 2019 ». Une situation qui, là encore, se répercute au niveau logistique : « Lors des périodes d'inflation, les consommateurs réalisent des arbitrages, généralement au détriment du secteur de l'habillement », observe Gaël Faye. Parmi les premiers touchés, l'enseigne Camaïeu qui, en septembre 2022, annonçait sa liquidation judiciaire et plus récemment, celle de Chaussexpo à la mi-mars 2024. « À cause de cette baisse de consommation, le secteur du textile souffre et avec lui, fatalement, toute une activité », poursuit-il.

 

Le marché de l'équipement de la maison en berne

Dans le secteur tertiaire, après deux années exceptionnelles, le marché de l'équipement de la maison a vu certains de ses segments se tasser depuis mi-2022. Dans une étude parue en juillet 2023, le Procos (fédération pour la promotion du commerce spécialisé) y voit de multiples raisons, l'une d'entre elle touchant à l'équipement déjà élevé des consommateurs suite à la période Covid, « du fait des investissements réalisés par les Français autour de leur lieu d’habitation et du télétravail : bricolage, jardinerie, équipement informatique et électrodomestique, cuisines équipées… », une autre étant lié à « la tension sur le marché du logement (accès aux crédits, baisse des permis de construire et mises en œuvre de chantier…) » qui s'avère défavorable à ce secteur.  « Les coûts de construction et les taux de financement augmentent. Les banques ne financent plus les particuliers pour acheter

Tout ceci contribue à plomber le marché. Car lorsque vous ne produisez plus de logements, cela prive le marché des primo-accédant, qui, en s’installant, achètent leurs équipements dans les magasins d’ameublement. Cette consommation au ralenti favorise la baisse des volumes dans ces magasins et a un impact sur l’immobilier logistique», illustre Didier Terrier. Le magasin de décoration en ligne Zôdio, appartenant à Adeo (maison mère de Leroy Merlin), a ainsi été cédé à Alinea début 2024. « Le secteur de l'ameublement fait partie des plus touchés, juge Antoine Monnet, consultant Auvergne Rhône-Alpes/PACA chez Arthur Loyd Logistique.

Après avoir enregistré une baisse de ses ventes de 9,3 % en 2023, Maisons du Monde a annoncé 40 à 50 fermetures ou transferts de magasins ainsi qu'une révision de sa stratégie de  stockage, ce qui impliquera sans doute une libération de surfaces d'entrepôts... ». Après la période faste post-covid, les ventes en volume du secteur du bricolage ont également baissé de – 3,5 %  au 1er trimestre 2023, selon la fédération Procos. Le pureplayer ManoMano, dédié au bricolage et au jardinage, a par exemple annoncé un plan de suppression de 230 postes en France et en Espagne : « Les grandes enseignes de bricolage, pendant et après la crise sanitaire, ont considérablement augmenté leur volume.

Aujourd’hui, le marché s’est inversé et certains peuvent se retrouver avec des entrepôts surdimensionnés par rapport à leurs besoins », analyse  Didier Terrier.

 

« La logistique n'est pas un actif à risque »

Pour autant, le contexte n'est pas morose et, après trois à quatre années exceptionnelles, avec 2,2 millions de mètres carrés en 2023, l'immobilier logistique se situe toujours dans la moyenne des dix dernières années. Il est à cet égard plus pertinent de parler de réajustement du secteur plutôt que de retrait.

De plus, compte tenu de l'essor continu du e-commerce, qui a connu une hausse de 10,5 % en 2023 comparé en 2022 (selon la Fevad), disposer de mètres vacants ainsi que de projets à développer demeurera une nécessité, le marché de la vente en ligne requérant deux fois à trois plus de surfaces logistiques que la vente en magasin : « Dans tous les cas, la logistique n'est pas un actif à risque quelles que soient les tendances économiques », résume Gaël Faye.

Et si le secteur se montre un miroir du climat économique, c'est aussi le cas, lorsque celui-ci expérimente une progression, à l’instar du numéro un  français de la fabrication de missile, qui, avec un carnet de commandes à 28 milliards d’euros fin 2023, vient de prendre un entrepôt de 35 000 m², dopé par la situation géopolitique instable et les conflits en cours. Selon une étude publiée en février 2024 par l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), les Français devraient d'autre part retrouver 1 % de pouvoir d'achat en 2024. L'immobilier logistique se fera alors sans doute le miroir de ce léger regain de consommation. 
 

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